Alexandre Cormier-Denis est un ethnonationaliste et un suprémaciste blanc qui a le vent dans les voiles (saisissons l’occasion pour discourir sur le nationalisme et ses mutations)
C’est l’histoire d’un jeune penseur, une étoile montante de la nébuleuse de Québecor. Qui s’est parti un balado dans lequel il a invité un suprémaciste blanc. Un ethnonationaliste assumé, qui affirme sans détour que certains peuples sont plus intelligents que d’autres, et ce, sur une base biologique : « il y a une corrélation entre la question du quotient intellectuel et la provenance géographique, mais plus que celle-ci, la génétique ».1
Cette affirmation grotesque, tout droit sortie du 19e siècle, n’est pas remise en question par ce jeune penseur, du nom de Rémi Villemure. Et l’homme qui crache fièrement cet argument est le preux chevalier de la civilisation occidentale, le turboraciste dénommé Alexandre Cormier-Denis.
Loin de nous l’intention de verser dans la nostalgie, mais il nous semble qu’il y a peu, c’était encore considéré de mauvais goût, que d’inviter un homme qui divise l’humanité en catégorie raciale, catégorie qu’il ordonne sur une échelle en utilisant de telles étiquettes que « racisé asiatique non arabe à faible QI ».2
Qui domine ce classement? Alexandre est catégorique : « l’Occident demeure une civilisation supérieure ».3 Qui aurait pu prévoir que la libération de la parole raciste, ici et ailleurs, signalerait le retour du racisme scientifique?
Et maintenant que le nationalisme civique a tiré sa révérence, au profit du nationalisme identitaire de la CAQ et du Parti québécois, on peut se demander si ce n’est pas ce nationalisme ethnique qui nous attend au tournant?
Car lorsque la conseillère en communication de notre premier ministre décoche une flèche en direction, non pas de l’immigration mais bien de l’immigration « extraoccidentale », il faut, au grand minimum, se questionner et se préparer pour le pire.4
Donc, aujourd’hui, leçon d’histoire sur le nationalisme québécois.
Mais avant tout, un petit mot sur ce gros raciste qu’est Alexandre. Et quelques remarques sur cette ambiance médiatique qui s’accommode bien de ses diatribes haineuses.
Qui est Alexandre Cormier-Denis?
En 2016, alors membre du Parti québécois, il sollicite une rencontre avec Marine Le Pen, la dirigeante de la principale formation d’extrême droite française, qui est de passage en Amérique. Un rapprochement qui embarrasse la direction du PQ : le chef de l’époque, Pierre-Karl Péladeau, va dénoncer l’initiative du militant.
Quelque mois plus tard, notre cher Alexandre est de nouveau en compagnie de la « très inspirante » Marine et il en profite pour expliquer son ressenti suite au camouflet reçu : « Marine Le Pen tient le discours qu’aurait dû tenir le Parti québécois ».
Quelle candeur rafraîchissante.
En fait, c’est en 2023 que l’homme se fera surtout connaître, quand il dépose un mémoire dans le cadre d’une consultation publique sur la planification de l’immigration. Lorsque son invitation fut ébruitée par un reportage du média Pivot, il fut désinvité et généralement rejeté par la classe politique.
Entre-temps, il n’a pas chômé. Lui et son collègue Philippe Plamondon se sont lancés dans un projet de webtélé, Nomos-TV. Une plateforme dédiée à la survie de l’ethnie canadienne-française et à la supériorité de la civilisation occidentale. Alexandre ne s’enfarge pas dans les fleurs du tapis, pas de grands discours sur « nos valeurs québécoises », sur la pérennité du français ou la santé de la culture locale.
Non, le combat est d’ordre ethnoracial. C’est d’ailleurs limpide dans le mémoire qu’il a déposé, où il oppose le poids démographique de l’ethnie canadienne-française à la population d’origine immigrante.5 Traduction : on s’en fout où tu vas, ce qui compte c’est d’où tu viens! T’as beau être ici depuis 3 générations ou plus, tu ne feras jamais partie de l’ethnie canadienne-française (et de la nation).
Pour ne laisser aucun doute dans vos esprits quant au type de personnage dont il est question, soulignons quelques-unes de ses opinions les plus colorées :
- En 2023 il partage une carte du monde, catégorisant les pays selon le QI mesuré (un jeu de données construit par Richard Lynn, un célèbre eugéniste).6
- Il a organisé une Saint-Jean-Baptiste « de la race » en 2025.
- « La différence entre les Juifs et les Arabes? 30 points de QI. C’est pour cela que David est à Wall Street pendant que Rachid vend du shit en bas de l’immeuble. »
- L’homme est un fervent adepte du complot du grand remplacement et y fait fréquemment référence avec des expressions comme « submersion migratoire », « substrat démographique des peuples » ou avec le hashtag #GrandRemplacement.7
- Dans le même ordre d’idée, il fait un usage libéral de l’expression « remigration », emprunté à Éric Zemmour et qui implique une campagne de déportation massive visant les minorités visibles.8
- Hurle le mot en N pendant son émission.9
- À l’automne 2024 et alors que le gouvernement de la CAQ fait une annonce concernant une amélioration à l’accès à l’avortement, le polémiste écrit « qu’au lieu de courber l’échine face à l’hystérie féministe depuis le renversement de Roe c. Wade aux États-Unis, notre gouvernement “nationaliste” devrait plutôt tenter de relancer la natalité plutôt que de promouvoir l’avortement à tout va. » (mesdames, ce gros porc vous ordonne de préparer vos utérus, la nation vous remercie d’avance…)
- Invité à Radio X en février 2025, il reprend la théorie du complot d’un génocide blanc en Afrique du Sud (un mensonge remis au goût du jour par Trump et Musk).
C’est avec cette charmante feuille de route qu’il a réussi à se tailler un auditoire et une certaine notoriété, comme l’attestent les invitations qu’il a reçues de Radio X et de Frontières, un organe de propagande d’extrême droite français.10
Rémi nous confirme lui aussi l’intérêt suscité par cet ignoble personnage : impossible à vérifier, mais il semblerait que c’est l’invité qui fut le plus en demande!
L’art d’inviter un suprémaciste blanc à votre balado
Ce qui est fascinant dans cet épisode du balado, c’est à quel point l’hôte, en la personne de Rémi, n’a que faire du fond des arguments. Si la discussion produit, par moment, certaines frictions, c’est largement pour des questions d’optique. Plutôt que de prendre position sur le scandaleux lien entretenu par son invité entre la génétique et l’intelligence d’un peuple (à travers le concept bancal du quotient intellectuel), Rémi se contente de demander laconiquement si une telle approche « fait avancer la cause »?
Si ces deux militants souverainistes sont en désaccord sur le degré de racisme à employer en politique, ils s’entendent toutefois sur les grandes lignes : il faut moins d’immigration, le multiculturalisme est nocif et le « wokisme » représente l’ennemi #1. Ces deux guignols méprisent aussi toute forme d’écologie et se gargarisent à la transphobie la plus décomplexée.11
(Pour votre information, Rémi est, lui aussi, chroniqueur à Radio X.)12
Bref, il rime à quoi, son projet de balado? Baptisé Il reste encore du monde, Rémi le conçoit comme une plateforme où toutes et tous sont les bienvenus : l’objectif avoué est de favoriser le dialogue. Notre époque dite polarisante ne manque-t-elle pas cruellement d’ouverture?
Et de l’ouverture, il en a à la pelletée : son premier invité n’était nul autre que Maxime Bernier! En tant que chroniqueur chez Qub Radio, vous ne serez donc pas surpris d’apprendre qu’il a aussi tendu son micro à Richard Martineau, Éric Duhaime et Mathieu Bock-Côté.
Puisque son concept tomberait à l’eau bien vite s’il se campait strictement à la droite extrême du spectre politique, il a aussi fait place à Amir Khadir, Louise Harel et Yves Boisvert.
Ce format, cette approche, nous la connaissons d’ores et déjà, c’est le modèle à Bureau et Rogan. Sous couvert d’une curiosité prétendument bien intentionnée, des idées ignobles se taillent tranquillement une place au soleil, grâce à l’indifférence et la lâcheté d’un hôte qui ne pense qu’à sa propre carrière.
Car lorsqu’on assemble un tel groupe de convives, le message implicite est qu’à minima, ce sont toutes des personnes fréquentables. Et mettre sur un pied d’égalité une progressiste comme Louise Harel et l’autre ordure ethnonationaliste qui s’inspire auprès d’eugénistes, c’est délirant, indécent et ça joue uniquement en faveur de ce dernier, qui se retrouve de facto normalisé par cette déplorable mise en scène.
On pourrait difficilement imaginer mieux afin d’ouvrir la fenêtre d’Overton en direction des tréfonds les plus infectes de notre paysage politique. Bravo Rémi…
Sur ce, il est temps pour un peu d’histoire.
Le nationalisme [ethnique, civique, identitaire]
Au début de l’entrevue, Cormier-Denis chigne pathétiquement que « la québécitude s’est transformée en nationalisme civique ». En ce qui le concerne, cette conception du nationalisme, issue de la Révolution tranquille, pose problème et il suggère plutôt de s’inspirer de nos ancêtres et de ressusciter le nationalisme ethnique :
L’argument est certes révoltant, il repose aussi sur une réalité historique : le nationalisme de la grande noirceur fut conçu par et pour l’ethnie canadienne-française. C’est un mouvement politique qui exclut explicitement tout ce qui n’est pas « de souche » et sur ce sujet, nul n’égale la prose de Lionel Groulx (un homme pour lequel Alexandre ne cache pas son admiration) :
[…] catholiques et français, ne laissons pas croire que nous le soyons depuis seulement notre arrivée en Amérique ; nous le sommes depuis un millénaire […] Français, nous sommes, par souche immédiate, issus de la France de 1660-1680, première nation du monde à l’époque ; catholiques, notre foi nous le révèle, nous portons en nous, par naissance spirituelle, un sang plus riche, plus auguste que les plus beaux sangs de la terre : nous sommes de race divine, des fils de Dieu.13
La suite, vous la connaissez déjà, mais en gros, l’église perd sa place comme repère identitaire et une nouvelle identité collective principalement basée sur la citoyenneté voit le jour. Les Canadien·nes français·es commencent à se dire Québécois et Québécoises.
Et en vue du taux de natalité qui s’est drastiquement réduit, celles et ceux qui portent le projet souverainiste arrivent rapidement à une simple conclusion : la précarité du fait francophone en Amérique fait de l’intégration des nouveaux et nouvelles arrivant·es une nécessité.
L’inclusivité n’est pas une tare ni un luxe, c’est le produit d’un simple calcul démographique.
Après, selon nous, cette ouverture ne tient pas qu’à une froide question de mathématiques. Francine Pelletier l’explique bien, dans son livre Au Québec, c’est comme ça qu’on vit. Elle donne l’exemple de Louise Harel, qui s’est battue pour que le programme du Parti québécois soit traduit en plusieurs langues. Ou encore lorsqu’elle cite Gérald Godin, le député-poète gros woke pour qui cette ouverture n’est manifestement pas qu’un calcul politique : « Les immigrants font partie du pays d’une façon intime et intense, comme les pierres dans un mur scellé ».14
Godin c’est aussi des vers comme « les immigrants sont des poèmes au Québec ».15 On est bien loin du banal racisme d’un Jean Boulet ou de François Legault.
Et tant qu’à y être, rappelons aussi que René Lévesque a vu de ses propres yeux, en compagnie de l’armée états-unienne, l’horreur du camp de concentration de Dachau. L’homme qui est devenu une figure incontournable du nationalisme québécois a donc une expérience bien viscérale de ce que peut devenir le nationalisme, le paroxysme de cruauté qu’il peut inspirer. Petite citation, par politesse : « Le nationalisme qui veut dire racisme ou fascisme, c’est vomissant ».16
Tout ceci, ce n’est pas pour idéaliser un moment qui est déjà largement exalté dans notre mémoire collective. L’effervescence de la métropole montréalaise, qui accueille, en une décennie, l’exposition universelle et les Olympiques, est contemporaine du système des pensionnats, mécanisme effroyable qui poursuit en toute tranquillité son travail de broyage des enfants autochtones (avec la pleine participation d’une église catholique qui n’a pas dit son dernier mot).
Il est toutefois indéniable que le nationalisme québécois s’est transformé et que cette mutation lui a fourni certaines accointances progressistes par rapport à sa précédente version. C’est grâce à un gouvernement nationaliste, celui du Parti québécois, élu en 1976, que les femmes québécoises ont de facto obtenu l’accès à l’avortement (donc, 12 ans avant le reste de la fédération canadienne).17
Un timide progressisme balayé par le virage identitaire qui sévit depuis maintenant au moins 20 ans.
« La majorité historique francophone »
On pourrait situer le point de rupture du nationalisme civique le soir de la défaite référendaire de 95 avec le tristement célèbre discours de Parizeau. Après avoir mis en cause « l’argent et des votes ethniques », l’homme s’emporte et lance une tendance dorénavant bien établie : « Si vous voulez, on va cessez de parler des francophones du Québec, voulez-vous. On va parler de nous : à 60%, on a voté pour, bon! »18
Cette rhétorique, elle est si banale en 2025 que nous oublions à quel point elle a fait réagir à l’époque. Francine Pelletier évoque de « nombreuses séances d’autoflagellations chez les souverainistes ».19
Alors qu’aujourd’hui, il est assez commun pour le camp nationaliste de revendiquer ce langage excluant : osez remettre en question l’existence même de cette régression idéologique et vous voilà relégué à la marge.
Est-ce dire que le nationalisme identitaire, dominant actuellement la scène politique, est l’itération moderne du nationalisme ethnique de Lionel Groulx? Ce n’est pas hyper clair. Il existe certaines différences, mais sont-elles assez significatives pour bien départager les deux concepts?
C’est que l’identité collective promue par Legault, le « nous » auquel il fait souvent référence, n’est pas explicitement délimitée sur une base raciale. En fait, c’est surtout une stratégie politique qui cherche à attiser et exploiter une angoisse identitaire qui ne se fonde sur rien de concret, outre un désir cynique de jouer le jeu de la division par pure logique électorale.
Pour mieux saisir les nouvelles règles de leur petit « jeu », consultons Jacques Beauchemin, éminent architecte de ce retour vers le passé. Sa vision, c’est que la nation québécoise est mise à mal, non pas uniquement par la faute de l’immigration et de la diversité qu’elle apporte, mais plus généralement à cause du « pluralisme identitaire » (c’est-à-dire les luttes féministes, LGBTQ+, antiracistes, etc.)
Comme il l’écrit lui-même : « Le respect des identités particulières passe, pour certains, avant l’édification d’un État-nation québécois ».20
Reformulons : la solidarité est un obstacle à la pérennité de la nation québécoise. La logique de Jacques Beauchemin (qui fut, by the way, le directeur de thèse de Mathieu Bock-Côté), c’est la même que bien des réactionnaires contemporain·nes. Il prétend, à tort et à travers, que le respect des droits humains serait un obstacle au bien-être et à l’épanouissement de la « majorité historique francophone ».
Sauf que la solidarité sélective n’existe pas et le résultat, c’est une confrontation, créée de toutes pièces, entre les droits des minorités et le confort de la majorité (exemple : le spectacle de la catho-laïcité). Et les règles de ce « jeu » ont plus à voir avec la loi de la jungle que d’une quelconque démarche démocratique.
Ainsi, notre Charte de droits et libertés se fait vicieusement tabasser, le tout au nom de « nos valeurs québécoises »! Ce qui revient à admettre que l’humanisme n’en fait pas partie…21
Si Alexandre accepte l’étiquette d’ethnonationaliste, nous pourrions aisément lui en attribuer une autre : celle du nationalisme blanc
Alors, pour revenir à la question initiale, à savoir si le nationalisme ethnique va poindre son nez plus tôt que tard, nous pourrions aussi nous questionner si, à bien y penser et considérant le flou entre son incarnation identitaire et ethnique, nous y sommes peut-être déjà confronté·es?
Ne serait-ce pas plutôt le nationalisme blanc, c’est-à-dire une forme de nationalisme se fondant sur la suprématie blanche, qui nous attend au détour? C’est certainement l’objectif de Cormier-Denis, qui lutte en premier lieu pour la race blanche (dans laquelle il inscrit l’ethnie canadienne-française).

Il faut dire que les idées de ce dernier bénéficie d’une conjoncture favorable. Que ce soit à travers le projet de déportation massive et d’épuration raciale du fasciste états-unien ou par l’inquiétante augmentation d’expéditions punitives visant l’Autre (cet été en Espagne et en Irlande du Nord, l’été dernier au Royaume-Uni, la descente de l’ultradroite à Romans-sur-Isère, la liste s’allonge…)22
Si vous trouvez cette hypothèse choquante, veuillez considérer que dans le camp nationaliste, nul n’accepte la régression idéologique du nationalisme décrite jusqu’ici.
En effet, pour Rémi et Alexandre, le nationalisme identitaire n’existe pas et nous vivrions encore dans un Québec épris de la Révolution tranquille et qui baignerait toujours dans la démocratie sociale (même si celle-ci a expiré son dernier soupir en 1997, avec la création des CPE).23
Comment expliquer un tel écart de perspective? C’est un lieu commun que d’évoquer une polarisation grandissante dans nos sociétés, mais ce ne serait pas plutôt une question de trame narrative divergente?
Et quel meilleur exemple pour illustrer ceci que la dernière sortie bien raciste de Paul St-Pierre Plamondon? Résumons : il a fait un lien entre l’immigration (« des changements démographiques ») et la criminalité.
Sur le fond, il a évidemment tort (l’historien Alexandre Dumas l’a très bien démontré).24 Voilà un jalon additionnel pour ce qui est maintenant une trajectoire bien établie, dans laquelle le chef du Parti québécois invente des conneries pour dénigrer les minorités. Et il y a une ligne directrice sous-jacente à la propagande qu’il déploie. Quand il laisse entendre que certaines cultures / civilisations seraient plus portées vers le crime que d’autres, il essentialise.25
Une manœuvre se basant sur deux théorèmes invalides.
Primo, ce n’est pas simplement dire qu’il existe des sociétés qui sont, par exemple, plus misogynes que d’autres à un moment spécifique (le relativisme culturel a certainement ses limites). Non, ce qu’il implique c’est qu’une culture favorisant la misogynie le restera indéfiniment, que ce serait un aspect intrinsèque de cette société / civilisation.
Or, comme l’histoire du Québec le démontre, une société peut grandement évoluer sur une telle question en l’espace de quelques décennies, de la même manière que ces gains peuvent eux aussi s’effriter, comme c’est le cas sous le gouvernement Legault.
La deuxième implication en est une qui évacue la réalité matérielle. Un peu comme si les cultures / sociétés humaines ne seraient pas impactées par le développement technologique, la géopolitique, la crise climatique, les pandémies, etc.
Pourtant, la Révolution tranquille serait bien différente si elle n’avait pas été influencée par une vague progressiste mondiale (le mouvement hippie, entre autres). Et ce n’est pas un hasard si la révolution sexuelle fut accompagnée d’améliorations techniques (l’invention de la pilule contraceptive).
Ce petit tour de passe-passe, cette manière d’ignorer les facteurs socio-économiques et de mépriser la science sociale, c’est aussi une victoire pour Cormier-Denis, un habitué de ce type de rhétorique. Doublement victorieux, car l’essentialisation pave la voie à l’un de ses arguments préférés, soit le « choc des civilisations ». L’idée serait que certaines cultures / civilisations seraient tout bonnement incompatibles et que la coexistence serait impossible (de la grosse bullshit aux funestes implications).
Tout ça pour dire qu’après toutes ces années, le souhait d’Alexandre se réalise : le chef du PQ s’abreuve enfin des idées du Rassemblement national de Marine Le Pen.
Puisque ce dernier aime prétendre que ses critiques l’accusent d’être un nazi ou un fasciste (sans jamais pouvoir nommer qui donc l’accuse ainsi), précisons que ce n’est pas la position de l’Observatoire.
Cormier-Denis (ou Bock-Côté), méritent l’étiquette de fascistes car ils assument leur radicalisme.
À notre avis, le chef du PQ ne partage pas leurs convictions - de toute évidence, il n’en possède aucune. Aiguillé par un opportunisme en phase terminale, il s’engouffre dans le chemin de la moindre résistance afin d’inscrire son nom dans notre histoire. Sera-t-il satisfait du rôle qu’il joue dans l’élaboration de la petite noirceur ambiante?
Souverainisme : projet de société ou survie de la nation?
Terminons sur une note constructive, en premier lieu, cet humble diagramme :

C’est qu’il serait agréable de voir le navire nationaliste reprendre ses parures civiques plutôt que de poursuivre son chemin vers l’ethnonationalisme (ou pire). Voici donc quelques suggestions à cet effet.
Premièrement, n’invitez pas une personne comme Cormier-Denis à votre balado. Et si jamais vous tombez sur ce type d’idées, au détour d’un souper de famille, la chose humaine à faire est de les confronter. Vraiment, c’est le minimum syndical.
Idem pour la raclure de fond de bidet qu’est Maxime Bernier : il n’est pas judicieux, pour n’importe quel mouvement politique, d’accepter à bras ouvert un tel tas de marde.
Et tant qu’à rêver en couleur, pourquoi ne pas prendre en considération les avis de la Ligue des droits et libertés? Faire une petite pause sur les paniques morales et les campagnes de peur, peut-être mettre le break sur ce flirt avec le complotisme (« théorie du genre » et les accusations infondées visant le cours d’éducation sexuelle)?26
Finalement, si vous pensez que c’est en obsédant sur la démographie et en prophétisant « notre » disparition imminente que vous allez protéger l’identité et la culture québécoise, vous vous fourrez le doigt dans l’œil jusqu’au coude. Par contre, si l’objectif est de ringardiser celle-ci et d’induire un profond malaise, c’est réussi. Très réussi, même.
Sur ce, à la prochaine et n’oubliez pas que le génocide se poursuit en Palestine.
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Vers la 33e minute de l’entrevue, un extrait est disponible un peu plus bas dans le texte. ↩︎
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Capture d’écran du tweet et par là pour la section correspondante dans son dossier. ↩︎
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Voici le lien vers le tweet et la section de son dossier décrivant le contexte du propos. ↩︎
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La dame en question s’appelle Florence Plourde et elle citait un texte de Mathieu Bock-Côté. ↩︎
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Veuillez vous référer à la page 10 et 11 de son mémoire où il fait des prévisions sur le poids démographique de l’ethnie canadienne-française et qu’il divague sur l’immigration « qui érode les majorités historiques ailleurs en Occident ». ↩︎
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Voilà une archive de son tweet et un petit résumé sur Richard Lynn (voir aussi sa page wiki). The Guardian le décrit ainsi : « an influential figure in the discredited field of “race science” who argued western civilisation was threatened by genetically inferior ethnic groups ». C’est hallucinant de voir qu’un chercheur peut dégobiller une pseudoscience aussi rance tout en conservant son poste (jusqu’en 2018) et en poursuivant la publication d’article scientifique… ↩︎
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Seulement dans cette entrevue, il invoque le « substrat national des peuples » vers la 10e minute et évoque une « submersion migratoire ». ↩︎
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Une recherche sur le réseau social d’Elon Musk nous confirme un emploi fréquent de l’expression. ↩︎
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Merci au compte twitter Le Troupeau des petits elons pour avoir sauvegardé l’un de ces segments. ↩︎
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Anciennement Livre noir, désormais intitulé Frontières, c’est un « média » d’extrême droite qui sévit principalement sur YouTube. L’émission Rhinocéros, produite par le média Blast, en a fait une excellente présentation. ↩︎
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Cormier-Denis exprime des opinions transphobes sur ses plateformes (« les dérives de l’idéologie transgenre » et autres inepties). Rémi, quant à lui, est catégorique « Les “femmes trans” ne sont PAS des femmes! » (propos tenu dans une chronique sur Qub Radio, Olivier Niquet en a sélectionné un extrait).
Pour ce qui est de l’écologie, c’est un dossier qui ne les intéressent jamais, si ce n’est que pour ridiculiser et insulter les activistes écologistes. ↩︎
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À titre de référence, voici quelques archives de ses interventions à Radio X. ↩︎
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Tiré de l’ouvrage Le nationalisme canadien-français (voir la première section, le —1— en rouge). ↩︎
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Au Québec, c’est comme ça qu’on vit page 41. ↩︎
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Dans l’entrevue que Godin donne au magazine Vice Versa, le propos est à la page 5. ↩︎
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Son témoignage sur le camp de Dachau se trouve à la page 134 de son autobiographie Attendez que je me rappelle. Veuillez noter que certaines affirmations faites par René Lévesque (il serait arrivé le jour de l’abandon de Dachau et ce serait son bataillon qui aurait trouvé Herman Goering) ont été remise en question. Selon notre recherche sur le sujet, nul ne remet en doute qu’il soit passé par Dachau en avril 1945, mais voilà, soyez avisés qu’il existe un certain flou sur cette partie de sa vie.
La citation est aussi tirée de son autobiographie, pas facile de retrouver une citation dans un bouquin, voilà une source en ligne. ↩︎
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Cette page résume assez bien l’historique de l’avortement au pays. Ce documentaire de l’ONF (dans lequel le docteur Morgentaler et son avocat reprennent leurs propres rôles!) est aussi fortement recommandé. Cet article de Radio-Canada résume la saga judiciaire. ↩︎
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Vous pouvez consulter une transcription de son allocution, en format PDF, ici. ↩︎
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Au Québec, c’est comme ça qu’on vit page 74.
Mentionnons aussi la réaction de Bernard Landry : « Bernard Landry confronted Parizeau at a Cabinet meeting the next morning about the remarks, stating that the movement “had to hide its head in shame.” » (petit manque de temps pour trouver une version en français, sorry!)
Le programme du PQ sera aussi mis à jour en 2001 : « le ton change considérablement. Il n’est plus seulement question d’énoncer la vision du Parti québécois sur la stricte immi- gration, même si une partie du chapitre y est consacrée, mais plutôt de reconnaître d’emblée le caractère pluraliste inhérent de la société québécoise » (tiré du Bulletin d’histoire politique de l’Association québécoise éponyme, page 205). ↩︎
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Au Québec, c’est comme ça qu’on vit page 81. ↩︎
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À ce sujet, la Ligue des droits et libertés fait un excellent travail. Par exemple, ce texte Projet de loi 96 : le recours à la clause dérogatoire des Chartes québécoise et canadienne des droits et libertés ou encore celui-ci La laïcité ne peut servir de prétexte pour bafouer les droits humains. ↩︎
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Nous avions écrit un texte concernant les émeutes racistes de l’été dernier, au Royaume-Uni. Voilà quelques textes au sujet des émeutes de Ballymena, en Irlande du Nord, qui eurent lieu en juin 2025. Plus récemment, c’était au tour de l’Espagne.
La descente à Romans-sur-Isère, en fin 2023, s’inscrit dans un schéma similaire : un crime a lieu (ici, un meurtre) et l’extrême droite s’empresse de le récupérer. Voilà comment les autorités françaises décrivent cette descente : « ces militants “cherchaient à rentrer en force dans le quartier de la Monnaie avec violence puisqu’ils étaient pour certains casqués, armés de battes de baseball, barres de fer ou de pétards, mortiers”. Ils voulaient “en découdre” avec les jeunes du quartier ». Voir aussi cet article du Monde. ↩︎
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La mort de la sociale démocratie est débattable, ce qui est certain c’est que ce n’est plus l’idéologie dominante depuis belle lurette (en atteste le délabrement de nos services publics). Pour plus d’informations sur la création des CPE, la page wiki est pas mal, cet historique l’est aussi. ↩︎
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Alexandre Dumas a écrit quelques textes en réponse à PSPP. Voici le premier, le second (qui répond avec des statistiques) et le troisième, la réponse à la non-réponse de PSPP. Résumons brièvement ses arguments :
Primo, si l’enjeu est le recrutement de personne mineures par le crime organisé, ce n’est pas une nouveauté. Deuxièmement, ce problème, déjà documenté, ne sera pas réglé simplement par plus de polices. Troisièmement, PSPP exclut d’emblée les facteurs socio-économiques. Finalement, même si on fait l’erreur de PSPP en assumant un lien entre la corrélation et la causation, il a tort ici aussi - la criminalité dans la province est globalement en baisse alors même que nous recevons plus d’immigration que dans les années 90, un moment où la criminalité était bien plus élevée.
Ted Rutland, au Rover, a lui aussi écrit une excellent analyse sur le sujet. ↩︎
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Ce texte de la Ligue des droits et libertés nous offre une définition : « L’essentialisation c’est, pour reprendre les termes de Leti Volpp[3], traiter la culture des minoritaires “comme quelque chose de statique et d’insulaire, une propriété stable des groupes plutôt qu’une entité constamment créée par des relations”. Elle circule sans changer, se transmet de génération en génération, sans altération. »
Ce segment de RadioFrance est aussi pertinent. ↩︎
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PSPP présente la souveraineté comme étant la seule issue pour la survie de la nation québécoise, une campagne de peur par excellence. À notre avis, ce serait même l’itération locale du complot du grand remplacement, comme nous l’argumentions en 2024.
Les député·es du Parti québécois ont aussi décidé de s’en prendre à notre cours d’éducation sexuelle en brandissant le concept bien pourri de la « théorie du genre ». Ils argumentent que « des experts » auraient formulé des critiques, sauf qu’ils n’ont jamais nommé ces derniers. Bref, une panique morale comme on l’a vu en plein d’autre pays, voir notre texte de la fin 2024 (vers la moitié de la page). ↩︎